* Comment j'ai découvert ce livre et pourquoi j'ai eu envie de le lire :
C'est en découvrant le blog de mes amis Céline & Guy que je suis tombée pour la première fois sur une citation de Nicolas Bouvier : "Je pensais aux neuf vies proverbiales du chat ; j'avais bien l'impression d'entrer dans la deuxième." Mes amis s'apprêtaient en effet à partir 190 jours autour du monde. Leur voyage m'a de suite fascinée, étant moi-même attirée par ce projet un peu de fou de quitter son quotidien pour bourlinguer aux quatre coins de la planète. Mais à l'époque, j'étais encore un peu réticente, financièrement parlant notamment... Deux ans plus tard, toutes les craintes se sont envolées, et nous nous apprêtons à partir nous aussi en tour du monde. Que de chemin parcouru depuis cette période !
* L'histoire :
En 1953, Nicolas Bouvier et son ami Thierry Vernet partent sans le sou en poche au volant d'une petite Fiat à la découverte de l'Orient. Ils vont parcourir des milliers de kilomètres à travers les Balkans, la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan... Entre les déboires mécaniques et les rencontres improbables, Nicolas Bouvier nous livre ici son récit de voyage, un récit qui est avant tout une formidable réflexion sur le sens de la vie.
* Mon avis :
Et bien j'ai rarement mis autant de temps pour lire un livre ! Plus d'un
mois !!!! Mon avis est beaucoup plus personnel que les autres que j'ai
pu donner jusque là car ce livre marque une période de ma vie très très
particulière... Je vous laisse lire mon compte-rendu :
L'usage du monde est le deuxième récit de voyage que je lis après Africa Trek de Sonia et Alexandre Poussin qui ont traversé l'Afrique à pied sans argent. Leur voyage m'avait fascinée. Il m'avait donné envie de voyager moi aussi de façon non conventionnelle.
Il y a longtemps que je voulais lire Bouvier, ce classique de la littérature de voyage. Il a inspiré beaucoup de voyageurs et j'avais croisé à plusieurs reprises des citations lors de vagabondages sur les blogs de voyage dont je suis friande. Mon copain l'a lu l'an passé et m'avait bien dit à l'époque qu'il ne fallait pas s'attendre à un voyage "de rêve", le voyage étant ici prétexte à la réflexion. Surtout, il apparaît très vite que le voyage est un élément constitutif de l'être, un moment d'une vie qui est tout sauf une parenthèse puisqu'il forge la personnalité du voyageur et le conduit à un vie après le voyage différente de ce qu'il aurait pu envisager : "La vertu du voyage, c'est de purger la vie avant de la garnir" ; "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.". Le voyage, c'est une initiation, un rite de passage. C'est ce qui m'a parlé dans Bouvier. Je me suis retrouvée dans plusieurs de ses réflexions, préparant moi-même actuellement un voyage au long cours d'un an avec mon compagnon :
"C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne aussi l'envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu'on y croise, aux idées qui vous y attendent..."
Pour ma part, ce n'est pas à plat ventre sur le tapis que je rêve au lointain, mais au fond de ma salle de classe, lorsque je contemple le planisphère accroché au mur pendant que mes élèves sont en exercice ou en contrôle ! Et actuellement, le rêve devient réalité... Je me dis "En janvier, nous serons là (Nouvelle-Zélande), en mars, ici (Argentine)..." et je sens monter en moi des sensations qui ne sont plus de l'ordre du rêve mais de l'excitation que l'on ressent tous à l'approche d'un grand évènement de sa vie !
Les phrases suivant cette citation m'ont également beaucoup parlé :
"Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c'est qu'on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon."
Pendant plusieurs mois, j'ai été confrontée à ma raison, au poids de la société qui m'a formatée à grand coups de "épargne, marie-toi, achète une maison, fais des enfants". Au fond de moi, j'ai toujours su que cet avenir là était fait pour moi mais pas tout de suite. Il apparaissait toujours comme une seconde vie, après avoir vécu à l'étranger par exemple. Quand j'ai rencontré mon copain, le voyage au long cours est devenu une évidence. Et petit à petit, j'ai détaché les amarres, pour reprendre la métaphore de Bouvier, j'ai coupé ces cordes qui me freinaient inutilement et sans raison valable finalement : mon emploi, mes économies... Tout en restant bien évidemment raisonnable : je suis fonctionnaire et je pars en gardant de l'argent sur mon compte pour le retour !!
Au delà de ces réflexions sur la vie d'un jeune homme d'une vingtaine d'année, il faut revenir au voyage en lui-même. Déjà, ce récit n'est pas contemporain, Bouvier et Vernet ayant entrepris leur périple en 1953-1954. C'est donc une plongée dans un Orient révolu qu'ils nous offrent. J'ai particulièrement été touché par la rencontre avec le professeur de français à Erzerum, en Anatolie (Turquie). Cet homme qui aime tant la langue française s'applique à formuler une phrase la plus juste soit-elle lors de son dialogue avec Bouvier et Vernet :
"Le maître de français s'isolait de temps en temps pour composer une phrase et se la répéter avant de nous l'adresser. Il bégayait un peu, il avait aussi peine à nous comprendre. Pour lui c'était pire qu'un examen, cette entrevue ; un peu comme si nous, avec notre latin d'école, devions donner la réplique à deux voyageurs surgis de l'époque alexandrine. Pourtant ici, dans cette solitude, ce peu de français appris presque sans livre lui faisait grand honneur."
Ces personnages, ces tranches de vie sont-ils encore visibles aujourd'hui à l'heure de la mondialisation ? Si l'étonnement et la fascination du voyageur sont toujours présents aujourd'hui face aux différences de cultures, aux paysages époustouflants, le voyage est-il vécu, ressenti comme à l'époque ? Bouvier et Vernet sont partis les poches vides au volant d'une petite Fiat loin d'être neuve. Ils écrivent dans des lettres ce qu'ils vivent à leur famille, à leurs petites amies. Aujourd'hui, chaque voyage ou presque est ponctué d'un blog alimenté plusieurs fois par semaine ; grâce aux emails et à skype, on peut parler à ses proches presque quotidiennement... Je suis personnellement tiraillée face à cela. D'un côté j'ai envie de partager mon voyage autour du monde et de communiquer avec mes proches, mais de l'autre, ce voyage est pour moi l'occasion de me purger de mon quotidien informatisé et standardisé ! Il faudra que l'on trouve un équilibre...
Si l'écriture de Nicolas Bouvier est magnifique, si ses rencontres et ses réflexions sur la vie m'ont parlé, il s'avère néanmoins que j'ai un sentiment paradoxal vis à vis de ce livre. A chaque fois, j'ai eu beaucoup de mal à me replonger dans l'histoire, et à me concentrer sur le récit. Je pense que cela s'explique par la lenteur des propos. Je ne reproche pas cette lenteur, au contraire, elle est nécessaire, mais elle a été un frein à une lecture plus fluide. On ne lit pas ce livre comme un roman finalement. D'ailleurs, c'est la première fois que je lis en collant des post-its sur les pages et en prenant des notes !
Je trouve qu'on ne ressent pas assez la présence de Thierry Vernet dans le récit de Nicoals Bouvier. S'il est souvent évoqué pour décrire son activité de peintre, leurs déboires avec la voiture... on ne retrouve pas de réel partage entre les deux hommes, de conversations, de réflexions... Peut-être Nicolas Bouvier a-t-il voulu garder cet aspect pour lui, son livre étant sa vision de son voyage ? Néanmoins, je trouve cela un peu dommage.
Pour conclure, je dirai que ce livre a été une déception si je me place sous l'angle de la "lecture-détente" : long à lire, parfois ennuyeux, un voyage qui ne fait pas rêver... Mais ce livre a aussi été une révélation, un écho troublant à mon propre vécu actuel, à savoir la préparation d'un long voyage. J'ai été sensible aux réflexions de Nicolas Bouvier. Le bilan est donc plus que positif : je devais lire ce livre ! ...même si j'aurai préféré le terminer un peu plus rapidement !
L'usage du monde est le deuxième récit de voyage que je lis après Africa Trek de Sonia et Alexandre Poussin qui ont traversé l'Afrique à pied sans argent. Leur voyage m'avait fascinée. Il m'avait donné envie de voyager moi aussi de façon non conventionnelle.
Il y a longtemps que je voulais lire Bouvier, ce classique de la littérature de voyage. Il a inspiré beaucoup de voyageurs et j'avais croisé à plusieurs reprises des citations lors de vagabondages sur les blogs de voyage dont je suis friande. Mon copain l'a lu l'an passé et m'avait bien dit à l'époque qu'il ne fallait pas s'attendre à un voyage "de rêve", le voyage étant ici prétexte à la réflexion. Surtout, il apparaît très vite que le voyage est un élément constitutif de l'être, un moment d'une vie qui est tout sauf une parenthèse puisqu'il forge la personnalité du voyageur et le conduit à un vie après le voyage différente de ce qu'il aurait pu envisager : "La vertu du voyage, c'est de purger la vie avant de la garnir" ; "Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait.". Le voyage, c'est une initiation, un rite de passage. C'est ce qui m'a parlé dans Bouvier. Je me suis retrouvée dans plusieurs de ses réflexions, préparant moi-même actuellement un voyage au long cours d'un an avec mon compagnon :
"C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne aussi l'envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu'on y croise, aux idées qui vous y attendent..."
Pour ma part, ce n'est pas à plat ventre sur le tapis que je rêve au lointain, mais au fond de ma salle de classe, lorsque je contemple le planisphère accroché au mur pendant que mes élèves sont en exercice ou en contrôle ! Et actuellement, le rêve devient réalité... Je me dis "En janvier, nous serons là (Nouvelle-Zélande), en mars, ici (Argentine)..." et je sens monter en moi des sensations qui ne sont plus de l'ordre du rêve mais de l'excitation que l'on ressent tous à l'approche d'un grand évènement de sa vie !
Les phrases suivant cette citation m'ont également beaucoup parlé :
"Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c'est qu'on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu'au jour où, pas trop sûr de soi, on s'en va pour de bon."
Pendant plusieurs mois, j'ai été confrontée à ma raison, au poids de la société qui m'a formatée à grand coups de "épargne, marie-toi, achète une maison, fais des enfants". Au fond de moi, j'ai toujours su que cet avenir là était fait pour moi mais pas tout de suite. Il apparaissait toujours comme une seconde vie, après avoir vécu à l'étranger par exemple. Quand j'ai rencontré mon copain, le voyage au long cours est devenu une évidence. Et petit à petit, j'ai détaché les amarres, pour reprendre la métaphore de Bouvier, j'ai coupé ces cordes qui me freinaient inutilement et sans raison valable finalement : mon emploi, mes économies... Tout en restant bien évidemment raisonnable : je suis fonctionnaire et je pars en gardant de l'argent sur mon compte pour le retour !!
Au delà de ces réflexions sur la vie d'un jeune homme d'une vingtaine d'année, il faut revenir au voyage en lui-même. Déjà, ce récit n'est pas contemporain, Bouvier et Vernet ayant entrepris leur périple en 1953-1954. C'est donc une plongée dans un Orient révolu qu'ils nous offrent. J'ai particulièrement été touché par la rencontre avec le professeur de français à Erzerum, en Anatolie (Turquie). Cet homme qui aime tant la langue française s'applique à formuler une phrase la plus juste soit-elle lors de son dialogue avec Bouvier et Vernet :
"Le maître de français s'isolait de temps en temps pour composer une phrase et se la répéter avant de nous l'adresser. Il bégayait un peu, il avait aussi peine à nous comprendre. Pour lui c'était pire qu'un examen, cette entrevue ; un peu comme si nous, avec notre latin d'école, devions donner la réplique à deux voyageurs surgis de l'époque alexandrine. Pourtant ici, dans cette solitude, ce peu de français appris presque sans livre lui faisait grand honneur."
Ces personnages, ces tranches de vie sont-ils encore visibles aujourd'hui à l'heure de la mondialisation ? Si l'étonnement et la fascination du voyageur sont toujours présents aujourd'hui face aux différences de cultures, aux paysages époustouflants, le voyage est-il vécu, ressenti comme à l'époque ? Bouvier et Vernet sont partis les poches vides au volant d'une petite Fiat loin d'être neuve. Ils écrivent dans des lettres ce qu'ils vivent à leur famille, à leurs petites amies. Aujourd'hui, chaque voyage ou presque est ponctué d'un blog alimenté plusieurs fois par semaine ; grâce aux emails et à skype, on peut parler à ses proches presque quotidiennement... Je suis personnellement tiraillée face à cela. D'un côté j'ai envie de partager mon voyage autour du monde et de communiquer avec mes proches, mais de l'autre, ce voyage est pour moi l'occasion de me purger de mon quotidien informatisé et standardisé ! Il faudra que l'on trouve un équilibre...
Si l'écriture de Nicolas Bouvier est magnifique, si ses rencontres et ses réflexions sur la vie m'ont parlé, il s'avère néanmoins que j'ai un sentiment paradoxal vis à vis de ce livre. A chaque fois, j'ai eu beaucoup de mal à me replonger dans l'histoire, et à me concentrer sur le récit. Je pense que cela s'explique par la lenteur des propos. Je ne reproche pas cette lenteur, au contraire, elle est nécessaire, mais elle a été un frein à une lecture plus fluide. On ne lit pas ce livre comme un roman finalement. D'ailleurs, c'est la première fois que je lis en collant des post-its sur les pages et en prenant des notes !
Je trouve qu'on ne ressent pas assez la présence de Thierry Vernet dans le récit de Nicoals Bouvier. S'il est souvent évoqué pour décrire son activité de peintre, leurs déboires avec la voiture... on ne retrouve pas de réel partage entre les deux hommes, de conversations, de réflexions... Peut-être Nicolas Bouvier a-t-il voulu garder cet aspect pour lui, son livre étant sa vision de son voyage ? Néanmoins, je trouve cela un peu dommage.
Pour conclure, je dirai que ce livre a été une déception si je me place sous l'angle de la "lecture-détente" : long à lire, parfois ennuyeux, un voyage qui ne fait pas rêver... Mais ce livre a aussi été une révélation, un écho troublant à mon propre vécu actuel, à savoir la préparation d'un long voyage. J'ai été sensible aux réflexions de Nicolas Bouvier. Le bilan est donc plus que positif : je devais lire ce livre ! ...même si j'aurai préféré le terminer un peu plus rapidement !
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